La cession de Société Générale Mauritanie (SGM), filiale du groupe bancaire français, suscite une vive concurrence entre deux acteurs majeurs du secteur financier marocain : Attijariwafa Bank et le Groupe Saham. Cette opération pourrait transformer le paysage bancaire mauritanien et poser des défis importants aux banques locales.
Le secteur bancaire mauritanien compte environ une douzaine de banques commerciales. En 2023, l’activité d’intermédiation bancaire représentait 65,1 % de l’actif total consolidé du secteur. Malgré des améliorations récentes, le taux de prêts non productifs (PNP) demeure élevé, passant de 43,3 % en 2021 à 35 % en 2022. Le ratio d’adéquation des fonds propres s’établit à 18 %, bien au-dessus de la norme réglementaire de 10 %.
Depuis son implantation en 2007, Société Générale Mauritanie a développé un réseau de 12 agences et 27 distributeurs automatiques de billets (DAB), desservant environ 28 100 clients, dont 900 entreprises. La banque emploie 194 collaborateurs, offrant une gamme complète de services bancaires aux particuliers, aux entreprises et aux institutions.
Attijariwafa Bank est présente en Mauritanie depuis 2010 à travers sa filiale Attijari Bank Mauritanie, qui dispose d’un réseau de 27 agences à travers le pays. Le groupe détient des actifs consolidés de 659 milliards de dirhams marocains (environ 60 milliards d’euros). Présent dans 26 pays africains, Attijariwafa Bank est déjà bien intégré dans le tissu économique régional et se positionne comme un candidat solide pour l’acquisition de SGM.
Le Groupe Saham, quant à lui, a fait son entrée récente dans le secteur bancaire après l’acquisition de 57,67 % de Société Générale Marocaine de Banques (SGMB) pour 745 millions d’euros en 2024. Bien qu’il soit un nouvel acteur bancaire, Saham dispose de ressources financières importantes et cherche à renforcer sa présence en Afrique de l’Ouest.
Une tentative d’acquisition antérieure avait été menée par Coris Bank International. En juin 2023, le groupe bancaire burkinabè avait signé un accord pour racheter Société Générale Mauritanie et Société Générale Tchad. Ce projet était perçu comme une étape stratégique pour Coris Bank, visant à étendre ses activités en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Cependant, cette initiative s’est heurtée à des résistances locales et à un avis défavorable de la Banque Centrale de Mauritanie, mettant fin au processus. Les oppositions locales, alimentées par des lobbys et des inquiétudes sur l’arrivée d’un nouvel acteur régional, ont empêché l’implantation de Coris Bank en Mauritanie.
L’arrivée potentielle d’Attijariwafa Bank ou du Groupe Saham crée une pression accrue sur les banques locales. Elles risquent de perdre des parts de marché, en particulier parmi les clients à fort potentiel, attirés par des offres plus compétitives et des services modernes. Cette concurrence pourrait réduire les marges bénéficiaires et obliger les banques locales à investir davantage dans la digitalisation et la modernisation de leurs services pour rester compétitives.
La reprise de Société Générale Mauritanie représente donc un tournant majeur pour le secteur bancaire mauritanien. Les banques locales devront rapidement s’adapter à cette nouvelle dynamique pour préserver leurs positions sur le marché.